Dans le quartier de Hammarby, à Stockholm, l’écologie se vit au quotidien
La Commission européenne a attribué à Stockholm son premier label de « capitale verte de l’Europe », une récompense qui vaut notamment pour le quartier de Hammarby Sjöstad
Atterrir à Stockholm, c’est déjà ménager son bilan carbone. L’aéroport de la capitale suédoise s’enorgueillit des tarmacs les plus écologiques. Plus précisément, la phase d’atterrissage des avions, telle que conduite par la tour de contrôle, leur permet de brûler moins de kérosène. Au point que l’aéroport de Bruxelles songe à imiter l’exemple suédois.
L’appareil une fois posé, la ville de Stockholm est encore loin. Pour s’y rendre, même les taxis signalent que le train prendra deux fois moins de temps et coûtera deux fois moins cher. L’Arlanda Express rejoint la gare centrale en vingt minutes, avec une ponctualité et un confort tout scandinaves.
Le taxi reste toutefois possible. Plusieurs carburent à l’éthanol, comme le signale un logo vert aux portières. Ceux qui roulent sans agrocarburant doivent s’affranchir, comme les autres voitures, de l’équivalent de près de 2 € chaque fois qu’ils rentrent en ville avant 17 heures.
Par ces mesures pratiques – parmi d’autres – de lutte contre la pollution atmosphérique, Stockholm a reçu le titre de « capitale verte de l’Europe » pour 2010. La Commission européenne, à l’origine de ce nouveau prix, récompense ainsi la « ville de 800 000 habitants en pleine expansion qui s’est fixé l’objectif ambitieux de ne plus recourir à l’énergie fossile d’ici à 2050 » et « peut se prévaloir d’une baisse de 25 % des émissions de CO2 par habitant depuis 1990 ». Bref, Stockholm fait déjà dans le post-Kyoto.
Sous la chaussée, la marque écologique du quartier
Surtout à Hammarby Sjöstad. Ce nouveau quartier, proche du centre, compte une voiture pour quatre ménages. « Une place de parking coûte dans les 170 € par mois ! », indique Richard Johansson, un habitant sans voiture. Ce jeune consultant se rend au travail en tramway puis en train. Et pour ressortir le soir, il prend le ferry, qui relie gratuitement le quartier au centre-ville. Du bateau venant d’accoster sortent cyclistes, piétons et bébés en poussette.« Autrefois, ce coin était un taudis réputé dangereux. Les taxis n’osaient pas s’y aventurer », se souvient Richard. Des cheminées de brique et quelques restes d’usines rappellent l’origine industrielle et portuaire des lieux. La ville de Stockholm avait voulu y construire un village olympique pour les Jeux de 1996 qui soit un modèle pour l’environnement. À défaut d’avoir remporté les Jeux, elle en a fait un éco-quartier, qui attire aujourd’hui de jeunes familles, plutôt aisées.
« Il a fallu construire plus de crèches et d’écoles que prévu », commente Malena Karlsson, responsable à la maison d’information de Hammarby, qui fait face à une chapelle toute neuve. Pour ne pas faire du quartier une zone seulement résidentielle, les rez-de-chaussée de chaque immeuble sont réservés aux commerces et entreprises.
Mais la marque écologique du quartier se situe, pour l’essentiel, sous la chaussée. Des tuyaux souterrains aspirent les ordures ménagères combustibles, qui alimentent une centrale combinée qui fournit chauffage et électricité aux habitations. Des sacs en compost sont distribués gratuitement pour mettre ses déchets dans des poubelles reliées au même réseau souterrain. Les déchets alimentaires sont transformés en fertilisants pour des cultures d’agrocarburants qui fournissent aussi la centrale. Les eaux usées des vidanges sont traitées pour en faire du biogaz servant aux bus, voitures et à mille gazinières.
L'effort de moindre consommation porte surtout sur l’eau
« L’objectif est que la moitié de l’énergie consommée par les habitants vivant ici provienne de leur activité », justifie Malena Karlsson. Le reste de l’électricité du quartier provient de sources renouvelables. L’isolation des immeubles aide, de surcroît, aux économies d’énergie. Tout ce dispositif plaît à Björn Ericsson. À 65 ans, cet autre consultant est installé depuis trois ans dans le quartier avec son épouse. Ce n’est pas la qualité écologique qui les a d’abord conduits à acheter ici un trois-pièces, mais « le fait d’être proche du centre tout en étant au calme et tout près du lac et de la forêt ». S’il déclare n’avoir « pas changé son mode de vie », ni renoncé à sa voiture, quitte à payer cher le parking, il a suivi en arrivant deux heures de formation au tri sélectif.À Hammarby Sjöstad, la technique du tri est très poussée. En bas de l’immeuble des Ericsson, le local à ordures est vaste, propre et éclairé. L’intérieur est organisé telle une véritable déchetterie, avec des récipients séparés pour plastiques, cartons, objets métalliques, petits appareils électriques, le gros électroménager, les piles. Ou encore pour les ampoules, avec un bac pour les plus ordinaires, un autre pour celles à basse consommation.
Mais l’effort de moindre consommation porte surtout sur l’eau. De l’évier au lavabo de la salle de bains, tous les robinets dans l’appartement des Ericsson sont munis d’un cliquet qui, sauf actionné, empêche de faire couler trop chaud. L’eau est mêlée d’air pour en user moins sans baisser la pression. « On consomme moins sans s’en apercevoir », apprécie Björn. Alors qu’à Stockholm une personne utilise en moyenne 200 litres d’eau par jour, les habitants de Hammarby en consomment 150 litres. Les concepteurs du quartier visent 100 litres par jour.
Hammarby est encore en expérimentation et en construction, à l’instar du tramway inachevé. L’ensemble, prévu pour 25 000 résidents, sera terminé pour 2017. Mais, comme le pointe Johann Bergendorff, spécialiste d’environnement à la radio publique suédoise, « les normes d’efficacité énergétique des premiers immeubles sont déjà dépassées ».
Sébastien MAILLARD, à Stockholm |