vendredi 8 février 2008

par sébastien Dugauguez

Philosophie du projet Démocrate


Le projet Démocrate est une vision de la société radicalement différente de la proposition Socialiste et de la proposition Conservatrice. Ce projet n’est pas une synthèse centriste de ces propositions, comme beaucoup le croient. François Bayrou a posé les grandes lignes de cette conception de notre Civilisation dans un bel article de la revue Commentaire. C’est un texte dense (9 pages) qui est indispensable à la compréhension des évolutions récentes de la politique française, car cette dynamique dépasse largement le cadre du seul Mouvement Démocrate et elle a déjà été esquissée dans le domaine du Développement Durable.

Je voudrais approfondir ici la doctrine de ce projet.

Tout d’abord, un diagnostic. Les philosophies politiques actuelles - de gauche comme de droite - reposent sur l’hypothèse rousseauiste du contrat social : l’intérêt général procéderait naturellement de la somme des intérêts particuliers de chacun des membres de la société. Cette conception serait encore valable si chaque individu n’avait qu’un seul intérêt particulier. Or, ce n’est plus le cas.

C’est la crise des intérêts particuliers qui est à l’origine de la crise politique et morale actuelle.

En effet, la difficulté des propositions politiques actuelles réside dans le fait qu’elles se trouvent confrontées à des incohérences majeures entre chacune des trois facettes des individus auxquels elles s’adressent : au citoyen, au consommateur et au travailleur. Chacun de ces termes est ici présenté au sens large :
  • Je suis un citoyen, je suis un « régulateur » : un acteur social et politique, qui interagit avec ses semblables. J’aspire à la liberté et à la vie en communauté.
  • Je suis un travailleur, je produis de « l’offre » que je sois salarié, indépendant ou entrepreneur. Cette activité, par ses revenus, détermine mon niveau de vie.
  • Je suis un consommateur, je suis « la demande ». Cette activité, par l’utilisation de mes revenus, détermine mon mode de vie.

Du temps de Rousseau et de celui encore récent de la vie à la campagne, il était possible à chacun d’établir une cohérence entre ces trois natures. Au temps des usines cette convergence était encore palpable pour le prolétariat : elle a fait la réussite des thèses communistes.

Mais aujourd’hui, chacune de ces facettes qui nous compose est plus ou moins en conflit d’intérêts avec les autres. Ainsi par exemple :
  • En tant que consommateur, je préfère les produits les moins chers – délocalisés - au risque de ma santé d’homme, de mon activité de travailleur ou à l’encontre de ma conscience de citoyen.
  • En tant que travailleur je souhaite davantage de revenus, quand bien même ce revenu augmenterait les prix, et donc annulerait mon intérêt de consommateur. Alors le citoyen que je suis vote pour le parti qui lui promettra davantage de pouvoir d’achat à court terme soit par une hausse des salaires, soit par une baisse des impôts.
Nous sommes ainsi tous les témoins et les victimes quotidiennes de ces incohérences et d’un monde que nous ne comprenons plus.

Et ce sont des organisations différentes – partis politiques, syndicats et associations ou labels de consommateurs – qui sont chargées de défendre ces différents intérêts. Mais, ces organisations revendiquent chacune leur indépendance alors que ces problématiques se trouvent indiscutablement liées en nous. Ces organisations n’apportent donc pas de vision cohérente. Le résultat c’est la désaffection et l’ironie vis-à-vis de la politique, la décrédibilisation du syndicalisme et la faiblesse des associations de consommateurs. Fleurissent alors des utopies réconciliatrices comme la vision de l’extrême gauche ou le fondamentalisme religieux.

Le réflexe classique est alors de se tourner vers l’Etat et d’attendre de lui qu’il résolve ce problème. Mais les partis politiques, de gauche et de droite, sont, comme je l’ai montré, impuissants à régler durablement ces questions puisque complices du problème.

Comment résoudre alors ce conflit d’intérêts qui mine nos sociétés et nos consciences ?

Il faut alors changer radicalement de concept philosophique : la somme des intérêts particuliers n’incarne plus l’intérêt général. Ce serait plutôt l’intérêt général qui unifierait nos intérêts particuliers. Ce retournement de conception, où l’intérêt général prime et détermine notre intérêt particulier, est la première révolution du projet qui se nomme aujourd’hui Démocrate ou Durable.

Mais ce projet porte également une seconde révolution, toute aussi essentielle.

D’autres théories politiques ont déjà essayé de proposer cette primauté de l’intérêt général. Elles ont généralement conduit à des totalitarismes, où l’individu était sommé de renoncer à sa liberté afin de subir, pour son bonheur, l’intérêt dit général. Notre projet est radicalement différent : il a fait son deuil d’imposer aux autres le bonheur. Il ne recherche que l’établissement d’un cadre épanouissant qui, en toute liberté, permette de concilier nos différentes aspirations a priori contradictoires.

Notre projet ne vise donc pas l’établissement de l’intérêt général par l’Etat ou par une forme quelconque d’organisation, mais par l’individu qui décide en premier lieu d’être exemplaire. C’est la seconde révolution.

C’est donc l’individu qui va confronter ses aspirations de consommateur, de travailleur et de citoyen à un intérêt général supérieur afin de modérer ou d’encourager certaines de ses aspirations et agir. Agir de façon responsable et autonome. Agir sans attendre l’Etat et la société, agir sans contester systématiquement, mais plutôt en commençant par être soi-même exemplaire. C’est toute l’aspiration au Développement Durable qui est ainsi expliquée par cette vision Démocrate de la politique.

En effet, ne rien attendre en premier lieu de l’Etat n’exclut pas l’action politique, au contraire. L’individu reconnaît que tous les moyens sont pertinents pour concilier ses intérêts, et l’action politique citoyenne en est une. Elle est même un devoir, car le renoncement individuel à une action politique est un des symptômes de la crise des conflits d’intérêts identifiée au départ. L’Etat, au lieu d’être un recours ou un garant, devient alors pour le citoyen un moyen, parmi d’autres, pour mettre en œuvre sa conception du monde.

Ainsi, le citoyen, le consommateur et le travailleur, enfin réunis et cohérents, trouveront dans cette règle de vie privilégiant l’intérêt général un cadre épanouissant.

Enfin, comment définir cet intérêt général supérieur ? Pour rester cohérent avec cette philosophie, il n’est pas raisonnable d’en donner une définition globale et définitive. C’est à chacun de le faire en conscience. Cependant l’intérêt général, c’est bien souvent de dépasser sa vision locale et court-termiste. C'est-à-dire de changer d’échelle en envisageant les questions dans un cadre géographique et temporel universel : à l’échelle du monde et à l’échelle des générations passées et futures. De là découlera la satisfaction de nos propres intérêts.

Le projet Démocrate, traduction politique du Développement Durable, se revendique donc de cette double révolution. Celle qui remet l’individu libre, responsable et exemplaire au cœur de la démocratie.

lundi 4 février 2008

de Jean Pierre Rioux le 25 octobre

Lors d'un long entretien réalisé le 25 octobre, l'historien Jean-Pierre Rioux revient sur l'héritage historique du Mouvement Démocrate, ses valeurs et les espoirs qu'il porte. Replaçant ce mouvement dans les temps longs de l'histoire, il salue "l'insurrection de l'intelligence" qui a marqué la campagne présidentielle de François Bayrou, soulignant également la place nouvelle du Mouvement démocrate : "Plus jamais, nous ne serons une force d'appoint". Jean-Pierre Rioux précise cette analyse dans sa contribution au Forum des Démocrates : "Comment nous configurer ?"
Comment nous configurer ?
(Contribution au Forum des démocrates de Seignosse, le 15 septembre 2007)


Le 24 mai dernier, au Zénith, nous parlions de faire courir la promesse du 22 avril en insurgeant l’intelligence. Nous voulions rester en mouvement, puisque ni le droite-gauche de résignation, ni l’insolence bonapartiste, ni l’impuissance socialiste, ni l’autosatisfaction groupusculaire, ni les plats de lentilles ne nous tentaient. Nous souhaitions reprendre l’essartage d’un espace démocratique de vérité ; enraciner une contestation intégrée et positivée. Nous voulions re-tricoter en partant du centre, dans la suite d’un séculaire héritage social, libéral et européen resté présent, contre vents et marées, depuis Marc Sangnier et Jean Lecanuet. Nous promettions de n’être ni un parti partisan, ni un conglomérat d’activistes et de déçus, ni un club de supporters. Nous voulions réapprendre à choisir et tracer droit, à raisonner librement, à expérimenter, à nous battre en orange.
Un été plus tard, nous faisons surface. Mais nous voici toujours aussi méprisés par les bien-pensants ou mis à l’encan par les faux bons amis. Nous voici pris, en interne, entre filiations et renouveau, tout en étant persuadés que la table rase n’est jamais une solution, pas plus que l’improvisation ou la fébrilité. Ne rien renier du meilleur du passé centriste et du meilleur de l’action de l’UDF, mais rajeunir, serrer l’argumentaire, partir à la rencontre des volontariats et des solidarités, couvrir, en « gramsciens » aussi déterminés que Nicolas Sorkozy pour la droite depuis 2003 ou que le PS des années 1970, l’espace scientifique, intellectuel, culturel et médiatique, puisqu’il s’agit de « mener un combat d’opinion, un combat intellectuel, philosophique, moral, autant qu’un combat parlementaire et militant » : voici notre ambition, qu’il nous faut afficher en répliquant aussi, et très vite, aux accusations de naïveté et de banalité, puisque tout un chacun peut en effet, aujourd’hui, se dire démocrate autant que nous.
Comment, dans ces conditions, singulariser et densifier notre propos ? Comment nous constituer, nous ériger, nous configurer ? Nous n’y parviendrons qu’en partant du 22 avril, en faisant mouvement et en persévérant dans le parler vrai.


Partir du 22 avril

Reconnaître et revendiquer cette filiation-là est notre meilleur viatique. Car le 22 avril une singulière poussée politique s’est manifestée. Elle fut assez puissante pour prouver que le centre ainsi personnalisé serait désormais mieux qu’une force d’appoint. Elle fut qualitative aussi : ce centriste-là, en bonne complicité avec le Jean Lecanuet de la première élection présidentielle au suffrage universel, en 1965, a fait montre d’une vocation toute personnelle à la « contestation intégrée », c’est-à-dire non pas hors du système mais, au contraire, installée au cœur de celui-ci, à l’occasion de l’élection majeure. Mieux : ledit centriste a inscrit cette contestation non seulement dans la lignée, aussi longue que l’histoire de notre démocratie depuis 1789, d’une rébellion de la raison - celle du citoyen contre les pouvoirs en version radicale d’Alain ou celle, plus populiste, de la « politique du peuple » au nom du Tiers État - mais aussi dans celle d’une résistance spirituelle de la conscience et de la personne, du refus du règne de l’argent et du cynisme, de la confiance dans la société civile et les corps intermédiaires, de la morale en action et du souci de vérité, ces principes offensifs affichées avec constance depuis plus d’un siècle, on le sait, par sa famille démocrate-chrétienne.
Ainsi sa révolte s’est-elle faite résistance et fut suivie par près de 20% des électeurs le 22 avril. Ainsi fut dénudée et récusée, au nom de valeurs pérennes cette bipolarisation bipartisane et militarisée sous la Ve République qu’une très forte majorité de Français dénonçait régulièrement mais vainement depuis dix ans au moins. Cette position originale explique non seulement que François Bayrou ait été un moment perçu dans des sondages comme le seul capable de battre Nicolas Sarkozy au deuxième tour mais, surtout, qu’il ait rassemblé un électorat heureusement diversifié et bien armé politiquement et moralement.
Le vote en sa faveur a eu cependant une sociologie et une géographie propres, dont nous sommes toujours comptables aujourd’hui. La première est marquée par la prédominance des cadres et des classes moyennes, tous inquiets pour l’avenir comme pour leur propre avenir et très soucieux de conciliation, de proposition et d’innovation, de réforme et de justice. Traits saillants aussi bien : la jeunesse et, surtout, le diplôme, ce qui explique aussi l’ampleur du soutien reçu dans les milieux de l’activité de pointe et dans ceux de l’enseignement, de l’université, de la recherche et des technologies les plus prometteuses. C’est cet ancrage-là qu’il importe de consolider. Cette sociologie particulière s’est aussi inscrite sans peine, à la grande surprise parfois des observateurs incultes, dans la géographie électorale bien connue du centrisme de souche démocrate chrétienne, libérale et radicale (l’ouest, l’est, l’ouest de la région parisienne, les départements en écharpe du Pays basque à la Haute-Savoie avec le Rhône à l’épicentre). Mais elle l’a débordée (dans une partie de l’ex-Chiraquie du Massif central et, fait important, à Paris intra-muros), sans toutefois parvenir à progresser autant dans le Nord-Est et dans le Midi méditerranéen.
Surtout, nous disent toutes les enquêtes de sortie des urnes, l’électorat Bayrou avait des aspirations hiérarchisées de manière originale et toutes résolument et pertinemment tournées vers l’avenir. Alors que les enjeux permanents et prioritaires pour l’électorat de droite sont restés l’immigration, l’insécurité et la politique économique plus libérale, et pour celui de gauche l’exclusion, la pauvreté, le pouvoir d’achat et l’éducation, les électeurs de François Bayrou ont placé très loin devant les quatre questions cruciales pour l’avenir et qui devraient donc être le socle sur lequel doit être bâti le programme du Mouvement démocrate : l’éducation et la recherche, le pouvoir d’achat, l’Europe et l’environnement. Ces singularités de l’électorat de François Bayrou ont certes, par définition, disparu au deuxième tour et l’on connaît la configuration du report de ses voix (environ 40 % pour Nicolas Sarkozy, 40% pour Ségolène Royal et 20 % d’abstentions, blancs ou nuls).
Il reste néanmoins que si l’élection présidentielle a vu la droite rafler la mise et la gauche perdre la main, dans cette partie François Bayrou fut mieux qu’un joker : il a non seulement personnalisé un enjeu de type nouveau mais, au passage, il a jeté un dévolu sur un espace et une configuration démocratiques renouvelés, dont la sociologie, la géographie et les aspirations ont dépassé le centrisme hérité et l’habituel déni du duopole droite-gauche.
C’est ce dépassement qu’il faut éclaircir et entreprendre de faire fructifier si l’on veut installer et faire grandir le MoDem. C’est tout le sens du cheminement, esquissé le 22 avril, de « centre » à « démocrate », que François Bayrou vient de recommander dans son article de Commentaire. Il faut le tracer, le jalonner. En somme, il faut faire mouvement.


Faire mouvement

Historiquement, un mouvement n’est ni un parti, ni une « section de », ni une union, ni un rassemblement, ni une ligue. C’est l’appellation dynamique et dynamisante, la forme et l’affût d’un projet, d’un enjeu, d’une action. Et il n’atteint ses objectifs que si ses adhérents savent vers quoi ils s’ébranlent, quel est l’ordre de marche, quelles étapes il faudra faire pour arriver à destination.
On pourrait citer quantité d’organisations à géométrie trop invariable et à longévité très aléatoire qui ont été des mouvements. Il y en eut de pittoresques, aussi groupusculaires qu’oubliées, qui ont banalisé et dévalorisé l’appellation. Qui connaît encore, par exemple, le Mouvement « socialiste monarchiste » devenu « humaniste démocrate » en 1965 ? Le Mouvement travailliste national de 1955 ? Le Mouvement libéral de Touraine ? Le Mouvement d’action et de réflexion pour les réformes socialistes (MARS) de 1973 ? Le Mouvement social et démocratique de Louis Ducatel en 1969 ? Mais beaucoup ont marqué, car ils signalaient à temps des besoins nouveaux et pressants de la société, de la culture et de la politique. Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps, du Mouvement de la paix, du Mouvement de défense des exploitations familiales (MODEF), du Mouvement populaire des familles dès 1942, le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception de 1956 (MLAC), le Mouvement européen de Jean Monnet en 1958 et même du Mouvement des radicaux de gauche, du Mouvement écologique de 1974, du Mouvement réformateur de 1971 ou du Mouvement des démocrates de Michel Jobert. Sans oublier le Mouvement Poujade qui fit trembler la IVe République, ou le Mouvement du 22 mars qui annonça mai 68. Si l’on pouvait faire ici l’histoire de ces élans inégaux qui ont labouré la France démocratique depuis la Révolution, on prouverait aisément qu’un mouvement, parce qu’il est mouvement, peut étendre ses tentacules sociales, se mouvoir avec agilité et détermination et, surtout, signaler de nouveaux enjeux de manière plus convaincante que d’autres types de formations politiques.
S’il le nôtre voulait revendiquer une filiation et la mettre au crédit d’une légitimité historique, la plus à propos serait celle du Mouvement républicain populaire (MRP) tel qu’il fut lancé à la Libération et dont l’action fut essentielle pour participer au redressement national, à la reconstruction du pays et au rétablissement de la République. Car quel était, déjà, son message? « Préoccupation sociale, Europe, souci de conciliation entre Français, recherche de proximité entre les citoyens et les centres de décision ». Son idéal ? « Que la République soit plus généreuse avec le peuple et la France plus généreuse parmi les nations ». Si bien que le Manifeste fondateur de ce MRP, des 25-26 novembre 1944, mérite encore le détour, puisqu’on y lit qu’il s’agissait déjà de « poursuivre, dans le cadre des institutions républicaines renouvelées, une action politique démocratique suivant les principes qui ont animé la Résistance et une œuvre d’éducation politique et sociale ». Ne nous faisons donc pas trop de souci au chapitre des références, qu’il ne faudra pas négliger par nos temps de présentisme, d’instantanéité, de fébrilité, dans la bousculade d’images et de médiations qui nous déconcertent. N’oublions jamais que nous venons tous de quelque part, qu’il n’y a jamais eu de table rase en politique et que si nous acceptons bien volontiers d’hériter, c’est pour mieux repartir.
Conclusion ? Un mouvement est à la fois l’organisation d’une résistance initiale puis la force motrice de l’action qu’elle anime. Il soutient un leader incontesté mais il sait aussi que dans la bataille comptent beaucoup aussi le dynamisme social et économique de ses adhérents, l’originalité de ses types d’action civique, de ses modes de rassemblement et de manifestation, bref son inventivité et sa modernité militante. Un mouvement est une organisation efficace car il est plus réceptif que le parti de masse à l’urgence, à l’événement, à l’échéancier. Il sent qu’il faut sans répit mieux viser les cibles, clarifier les enjeux, repérer les points de martèlement, ébranler ; il entend prouver le mouvement en marchant, c’est à dire valider des valeurs, une démarche et des ambitions en énonçant, en instruisant, en bataillant sur des points précis, concrets, révélateurs, significatifs, aussi exemplaires que probants. Rappelons-nous qu’un mouvement n’est entraînant que si sa véhémence originelle se fait pédagogique et éducative, si elle cherche à explorer de nouvelles voies au long desquelles seront mieux formulés la règle et le consentement.
C’est pourquoi il est indispensable de déterminer sans délais les principaux points sur lesquels doit porter notre effort. En craignant moins que jamais d’avoir à parler vrai.


Parler vrai

Dans un monde globalisé où les liquidités, les financements, les biens et les services vont circuler encore plus librement, il s’agit de redonner l’espoir ; de désamorcer autant qu’il se peut, pas à pas, avec pragmatisme et détermination, le conflit ouvert entre économie, société et culture ; de promettre qu’avec des moyens publics désormais limités, la démocratie restera d’intérêt général si elle aide à la promotion de tout ce qui reste hors de portée du marché, de tout ce qui doit rester hors de sa portée ou de tout ce qui doit à tout le moins passer contrat avec lui. Il s’agit de montrer ainsi, en faisant mouvement en démocrates, que la politique, c’est plus que jamais contenir la marchandisation, garantir l’accès aux biens supérieurs, repérer et dégager des marges de manoeuvre.
Ne détaillons pas pour l’instant les trois domaines fondamentaux d’intervention, de proposition et de négociation qu’à mon sens le MoDem pourrait privilégier dans son action, et dès l’an prochain mettre à proximité à l’occasion des élections municipales et cantonales. Ils sont dans le droit fil des expériences et des cultures politiques réunies aujourd’hui en son sein comme dans le prolongement, il va de soi, des propositions de la campagne présidentielle :
1) Le droit au sens, pour reprendre le titre du livre de François Bayrou de 1996, puisqu’il s’agit de donner la priorité des priorités au développement d’une société du savoir et d’une économie de la connaissance, cette clé pour l’avenir d’un pays comme le nôtre. Le domaine considéré rassemble à la fois l’école, l’université, la recherche-développement, mais aussi tout ce qui touche à la culture, aux médiations et au rayonnement français (expertise, tourisme, francophonie). Les questions à examiner sont légion, mais il faudra bien en dégager les principales. Ainsi, têtes de chapitre du rapport cité de l’UNESCO, la liberté d’expression et la solidarité numérique, les réseaux, la culture de l’innovation, l’éducation tout au long de la vie, le marché de l’enseignement supérieur, la mondialisation de la recherche, la place et le rôle de la culture scientifique et technologique, les nouveaux rapports des savoirs et des risques, la part des savoirs locaux et des savoirs autochtones, le refus de la fracture cognitive, la propriété intellectuelle, l’e-démocratie et l’e-administration, etc…Qu’allons-nous dire d’intelligemment novateur sur toutes ces questions ? Et comment l’État-stratège pourra intervenir dans cet « intelligemment novateur » ?
2) Le droit à la vie, si l’on consentait à mieux armer, sous cette formulation, un autre domaine de réflexion et de proposition déterminant pour notre avenir. Pourquoi ne pas rassembler sous cette rubrique, à l’instar des sciences de la vie et de la terre de nos écoles, tout ce qui touche à l’environnement, à la vie et à l’éthique (bioéthique, génie génétique, biotechnologies, nanotechnologies, etc…), aux âges de la vie et à la santé ?
3) Le droit aux solidarités humaines et spatiales, puisque tous les pays d’Europe qui réussissent sont décentralisés et moins étatisés que le nôtre et proposent des solidarités autrement moins providentielles et « statutaires » que les nôtres. Par héritage comme par ambition, ne craignons pas de dire que nous ne sommes pas les moins mal armés pour avancer des idées neuves sur la ruralité et la « rurbanité », l’intercommunalité (ce sera bientôt l’occasion de rabâcher Tocqueville : « C‘est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science » !), le rôle des PME dans le tissu économique et social, l’impératif régional, les progrès de la décentralisation : autant de questions que nous saurons mieux que d’autres inscrire dans le devenir national et européen. Bref, jouons à plein de l’héritage centriste qui, mieux que d’autres si pleins de fixisme jacobin et étatiste, a toujours tenté de mettre en synergie le local et le global, le régional, le national et l’européen, le tout et les parties. Répétons que cette famille politique a toujours prôné la solidarité, respecté les corps intermédiaire, favorisé et civilisé la dynamique sociale et libérale ; qu’elle n’a jamais contribué à étouffé par étatisme ou nationalisme outrepassés la respiration de tous et de chacun. Aujourd’hui, des arguments de cet ordre valent de l’or.
« Il faut », « disons », « répétons » : il ne s’agit pas ici d’incantations vaines, mais d’une ambition et d’une méthode politiques, de celles que seul un respect du « parler vrai » peut expérimenter et valider, ce « parler vrai » si cher à Pierre Mendès France comme à Raymond Barre, à Jean Lecanuet ou à Charles de Gaulle. « Le lien du langage est le plus fort et le plus durable qui puisse unir les hommes », notait Tocqueville : François Bayrou lui fait justement écho en invitant à clarifier les faux débats, à ramasser les propositions, à viser plus juste et plus haut, à voir plus loin, puisque « les mots sont la matière première de la politique ».
Un seul exemple : et si nous faisions serment de ne plus parler d’« alliance » mais de « contrat », de « programme » mais de « proposition », de « mondialisation » mais de « globalisation », de « règle » sans « consentement », de « réforme » sans « négociation » ? Comment contourner le langage médiatique et la langue de bois ? Civiliser et faire argumenter de nouveau notre langue française sans parler comme dans un quotidien sportif ou par SMS ? Comment au passage décoder et enrichir le langage numérique ? Comment favoriser l’autocritique, accepter que les experts et les élites eux aussi puissent dire ? Comment concrétiser le si vert « penser globalement pour agir localement » ? Le rôle, si difficile mais si indispensable, de bon locuteur collectif ne doit pas effrayer un mouvement comme le nôtre. Car, comme Pierre Pflimlin le disait naguère, « pour jouer un rôle charnière il faut d’abord exister » et pour exister il faut nommer, énoncer, dire du sens, échanger, argumenter dans les règles de la pensée. Bref, parler simple et dru : parler vrai.
C’est à propos de notre mot-drapeau, « démocratie », que nous serons attendus, et bien avant d’être entendus. Il nous faudra certes adopter sans arrière-pensée les discriminants que signale François Bayrou dans son texte de Commentaire : un projet d’exigence civique très « haut de gamme » ; la volonté de protéger le citoyen contre les excès du pouvoir par la séparation des pouvoirs ; le refus de prolonger la névrose nationale de l’État thaumaturge et le souci de redéfinition du rôle stratégique de l’État ; la réhabilitation des « biens supérieurs » ; la fédération des nations moyennes contre les puissants débondés. Mais il faudra creuser encore le sens du mot démocratie, et d’abord en le protégeant des tentations qui l’assaillent aujourd’hui : la tentation relativiste qui consiste à dire que toutes les valeurs se valent, que toutes les revendications des communautés sont légitimes, que les droits de l’homme pourvoiront à tout, qu’on peut relativiser jusqu’en bioéthique, qu’il n’y a plus de loi naturelle, que le sens commun, au sens kantien, et la capacité de jugement sont des fables ; la tentation égalitaire qui conduit à refuser en bloc toute discrimination et à dénoncer toute discrimination positive ; la tentation victimaire qui brouille notre vision de la justice sociale et de la justice tout court ; la tentation jacobine et étatique qu’il faut compenser mais sans sombrer dans les tyrannies de l’intimité, de l’émotion, de l’opinion, du local, du communautaire ou du participatif.
Immenses chantiers, dont il faut repérer les points cruciaux et extraire des propositions originales ; puis en faire nos chevaux de bataille et nos parts de contrats à négocier et de conquêtes à venir.

RETROUVER TOUS LES ARTICLES RECENTS en ARCHIVES

Premier article : Seignosse et l'espoir

LE FORUM DES DEMOCRATES raconté par des militants
de la 6ème circonscription du Nord

Des militants de la 6ème circonscription du Nord se sont rendus à Seignosse du 13 au 16 septembre 2007 avec, comme emblème, la main orange que vous avez pu apercevoir sur France 2 dans l’émission « 13h 15 « du samedi ( vous pouvez encore revoir l’épisode : « François à la plage » en troisième partie de l’émission du 22 septembre sur le site internet de France 2 ).

Nous avons trouvé bien plus que ce à quoi nous nous attendions : des militants venant d’horizons différents mais fédérés par le même dynamisme, le même enthousiasme, voulant s’engager pour ‘faire de la politique autrement’ derrière François Bayrou, dans le respect de nos valeurs.

Voici le déroulement de ces journées :

Le jeudi 13 septembre au soir, Jean Marie CAVADA a fait l’ouverture et nous nous sommes retrouvés autour de l’apéritif des régions

Le vendredi 14 et le samedi 15, nous avions le choix entre participer à des forums ou à des ateliers thématiques (avec exposés et questions du public) ou à des ateliers permanents (échange entre une cinquantaine de personnes en présence d’un animateur).

Programme du Vendredi

Forums : Grenelle de l’environnement : enjeux et perspectives L’Europe : l’heure des choix

1er discours de François BAYROU en début d’après-midi au cours duquel il nous a présenté le projet de charte éthique et le projet de charte des valeurs élaborés à partir des 700 contributions recueillies par Gilles ARTIGUES et sur lesquels nous devons travailler d’ici le congrès.

Ateliers thématiques :
Entreprise : enjeux économiques du social
La justice et politique pénale
Ecologie et territoires urbains
La crise du logement
Politique culturelle : ‘ici, on fabrique des humains’
Vivre ensemble le vieillissement de la société française
Ateliers permanents Municipales / Cantonales
Etre maire en 2008 , communiquer avec les medias,
Cadre juridique et financement de campagne , action économique municipale
Marketing de campagne
Une charte éthique pour le Modem
18h30 - 20h30 : Débat de politique générale autour de F. Bayrou et des élus : actualité politique

Programme du samedi

Forums :
démocratie : pouvoirs et contre-pouvoirs
social-économie et mondialisation

Ateliers thématiques :
Université et recherche
Réseau internet et politique
Quelles offres d’éducation aujourd’hui ?
Territoires ruraux
Entreprise : vecteur de croissance et d’innovation
La France et l’Europe face aux crises mondiales

Ateliers permanents Municipales / Cantonales
Construire une équipe autour d’un projet, être conseiller général en2008,
Les clés de succès de votre campagne
Conduire un diagnostic territorial

18h30 - 20h30 : Débat de politique générale autour de F. Bayrou et des élus : Construction du Mouvement démocrate

Les discussions continuaient de façon informelle très tard dans la soirée.

Parallèlement, une animation sportive était proposée, ainsi que des jeux de sociétés ; des soirées oranges réunissaient les noctambules……

Au fil de l’avancement des journées, nous étions toujours plus nombreux….

Dimanche 16 septembre : 11h00 - 12h30 : Discours de rentrée politique de François Bayrou

Les moments les plus forts ont bien sûr été les forums autour de François Bayrou que l’on a retrouvé fidèle à ses idées , les exprimant avec son charisme habituel. Il a su nous rassurer sur les questions que nous nous posions sur l’avenir de notre mouvement ; en particulier, il a insisté sur notre indépendance envers la droite et la gauche. Il nous a aussi demandé d’être constructif, 80 % de notre énergie devant être tournés vers l’extérieur de notre mouvement.

Vous pouvez retrouver une partie de ces discours sur le nouveau site officiel du modem : Mouvement démocrate, rubrique : Forum des démocrates

Mais aussi sur http://nj.modem.free.fr/reflex7MD.htlm
Point de vue d’une militante, Marie-Colette qui a été contente de rencontrer des personnes s’exprimant sur e-soutiens.fr :

« Un des ateliers auquel j’ai pu participer et qui me tient à cœur concerne l’atelier sur la charte des valeurs. Nous étions une cinquantaine de personnes ; chacun a pu s’exprimer à tour de rôle pour dire les valeurs qu’il souhaite pour le mouvement. Il fut réconfortant de voir que tous s’accordaient sur des valeurs essentielles :
Humanisme, liberté, Indépendance, Intégrité, Exemplarité, Justice, Engagement, Solidarité, Laïcité, Développement durable…
J’ai juste regretté de ne pas avoir entendu ‘Bon Sens’ !
Tous les participants ont aussi insisté sur leur volonté de poursuivre la construction européenne .»


M.Colette, Isabelle, Cécile, Francis