Lu sur le site de Mme lepage
Une chronique qui reste d'actualité : Peut on espérer une justice effective en matière politico-financière ?
Chronique France Culture |
Cette chronique est écrite alors que d’une part, le Président Chirac vient d’être mis en examen et d’autre part, le juge Van Ruymbeke continue à être l’objet de la ire du pouvoir. Elle pose la question du statut pénal du chef de l’Etat et plus généralement de la répression de la délinquance politico-financière en soulignant les tendances qui se font déjà jour et qui n’iront qu’en empirant : mélange des genres hors toute règle qu’illustrera 1 an et demi plus tard l’affaire Pérol, mise en coupe réglée de la magistrature, qui n’en n’est qu’à ses débuts ,utilisation abusive du secret défense qui a boutira en 2009 au non lieu inévitable prononcé par le juge van Ruymbeke dans l’affaire des frégates. Le but est atteint……
Avec la mise en examen de Jacques Chirac, qui constitue une forme de soulagement pour tous ceux qui n’osaient plus espérer que la justice puisse passer après 15 ans de mises en cause à répétition, on aurait pu espérer que la France commence à refermer une des pages les plus sombres de son histoire politico- financière. Jacques Chirac doit évidemment bénéficier du principe de présomption d’innocence, même si des affaires jugées l’ont visé ; mais, le fait qu'il s'agisse d'affaires très anciennes pose problème. Non pas comme l'a suggéré M. Mazeaud, parce que l'ancienneté des faits constituerait une cause de prescription. Il est pour le moins préoccupant, qu'un ancien président du Conseil Constitutionnel, même si sa proximité politique et amicale avec Jacques Chirac a été constante durant sa présidence, puisse avoir soutenu le caractère intouchable du président de la république et prétendre aujourd’hui que la suspension des poursuites durant son mandat devrait se transformer en une irresponsabilité pénale définitive. Tel serait le cas si les poursuites ne pouvaient pas reprendre après la fin de l'exercice du mandat.
Le problème est autre et vient de ce que la justice ne passe que lorsque la personne concernée n'a plus de pouvoir ce qui donne un caractère de bassesse à ce qui doit être une œuvre noble puisqu'il s'agit d'une œuvre de justice. Dés lors, le statut pénal du chef de l’Etat se trouve reposé .Comme dans les autres démocraties,, avec les verrous nécessaires, le président de la république ne doit-il pas être poursuivi s'il a commis des infractions de droit commun, indépendantes de son mandat ?
Mais, le cas du président Chirac ressortit au passé. L’essentiel du sujet n’est pas là dans la mesure où malheureusement, non seulement nous ne sommes pas sortis de cette époque noire, mais bien au contraire nous nous y enfonçons.
D'une part, le juge Van Ruymbeke qui est un des meilleurs magistrats en matière de délinquance politico- financière, est condamnable et donc de fait mis dans l'impossibilité de continuer sa tâche de lutte contre la corruption.
D'autre part, il s'agit d'un signal fort en direction des autres magistrats pôle financier désormais réduit à sa portion congrue de ne pas s'aventurer sur certaines terres hasardeuses..
Enfin, cette sanction possible valide le scandale résultant de ce que, grâce au secret défense invoqué de manière inadmissible dans cette affaire, par les gouvernements de droite comme de gauche, secret défense qui est à l'origine des déboires du juge Van Ruymbeke, le secret des rétro- commissions dont ont été bénéficiaires un certain nombre de responsables français sera gardé. Le contribuable sera une fois que plus appelé à payer les sommes auxquelles l’Etat risque, du fait de sa garantie de devoir payer, à la place de ceux qui auront bénéficié des commissions indues et seront donc doublement gagnants.
Depuis lors, la situation s’est encore dégradée et l’annonce programmée de la mort du juge d’instruction achèvera toute espérance. Le s tatut pénal du chef de l’Etat le met hors tout risque pénal et le Tribunal de grande instance de Nanterre vient de rendre un jugement suspendant une procédure pénale car elle ne pouvait laisser au prévenu la possibilité de se retourner contre la partie civile qui était le chef de l’Etat. Il n’est plus nulle part question de la procédure suivie à l’encontre de Jacques Chirac et le scandale Tapie est passé…
Cette chronique est écrite alors que d’une part, le Président Chirac vient d’être mis en examen et d’autre part, le juge Van Ruymbeke continue à être l’objet de la ire du pouvoir. Elle pose la question du statut pénal du chef de l’Etat et plus généralement de la répression de la délinquance politico-financière en soulignant les tendances qui se font déjà jour et qui n’iront qu’en empirant : mélange des genres hors toute règle qu’illustrera 1 an et demi plus tard l’affaire Pérol, mise en coupe réglée de la magistrature, qui n’en n’est qu’à ses débuts ,utilisation abusive du secret défense qui a boutira en 2009 au non lieu inévitable prononcé par le juge van Ruymbeke dans l’affaire des frégates. Le but est atteint……
Avec la mise en examen de Jacques Chirac, qui constitue une forme de soulagement pour tous ceux qui n’osaient plus espérer que la justice puisse passer après 15 ans de mises en cause à répétition, on aurait pu espérer que la France commence à refermer une des pages les plus sombres de son histoire politico- financière. Jacques Chirac doit évidemment bénéficier du principe de présomption d’innocence, même si des affaires jugées l’ont visé ; mais, le fait qu'il s'agisse d'affaires très anciennes pose problème. Non pas comme l'a suggéré M. Mazeaud, parce que l'ancienneté des faits constituerait une cause de prescription. Il est pour le moins préoccupant, qu'un ancien président du Conseil Constitutionnel, même si sa proximité politique et amicale avec Jacques Chirac a été constante durant sa présidence, puisse avoir soutenu le caractère intouchable du président de la république et prétendre aujourd’hui que la suspension des poursuites durant son mandat devrait se transformer en une irresponsabilité pénale définitive. Tel serait le cas si les poursuites ne pouvaient pas reprendre après la fin de l'exercice du mandat.
Le problème est autre et vient de ce que la justice ne passe que lorsque la personne concernée n'a plus de pouvoir ce qui donne un caractère de bassesse à ce qui doit être une œuvre noble puisqu'il s'agit d'une œuvre de justice. Dés lors, le statut pénal du chef de l’Etat se trouve reposé .Comme dans les autres démocraties,, avec les verrous nécessaires, le président de la république ne doit-il pas être poursuivi s'il a commis des infractions de droit commun, indépendantes de son mandat ?
Mais, le cas du président Chirac ressortit au passé. L’essentiel du sujet n’est pas là dans la mesure où malheureusement, non seulement nous ne sommes pas sortis de cette époque noire, mais bien au contraire nous nous y enfonçons.
- D'une part, les pratiques sont de pire en pire. Délit d'initiés à grande échelle, caisse noire de l’UIMM jetant la suspicion sur le financement des syndicats et révélant la poursuite des financements occultes en direction de politiques sont des faits extrêmement graves. S'y ajoutent désormais une tolérance en faveur de conflit d'intérêts permanents entre des personnes cumulant des fonctions publiques à des niveaux parfois très élevés et la représentation d intérêts purement privés. Ce mélange des genres permanents, qu’a minima les règles élémentaires de déontologie proscrivent, fait douter de la référence à l'intérêt général et banalise des comportements qui seraient non seulement répréhensibles mais impensables dans d'autres démocraties européennes. Nul ne peut douter qu'un certain nombre de décisions qui seront prises et auront favorisé les groupes ou personnes ainsi représentées seront un jour contestées et leurs auteurs questionnés. Mais, ceux-ci parient sans doute sur la faiblesse croissante de l'institution judiciaire et malheureusement, ils ont peut-être raison.
-
En effet, et c'est le deuxième volet, bien loin d'évoluer vers une pénalisation accrue de la délinquance politico-financière, nous nous en éloignons d'une part avec les projets de dépénalisation de la vie des affaires, d'autre part avec le symbole fort que constitue la mise à l'écart de fait du juge Van Ruymbeke. En effet, alors que le premier président de la cour d'appel l'avait blanchi et que les sanctions demandées à son encontre ont été réduites au minimum possible, un simple blâme, le CSM a jugé bon de ne pas se prononcer en attendant la fin hypothétique de l'affaire Clearstream qui ne finira peut-être jamais. Trois conséquences découlent de cette situation.
D'une part, le juge Van Ruymbeke qui est un des meilleurs magistrats en matière de délinquance politico- financière, est condamnable et donc de fait mis dans l'impossibilité de continuer sa tâche de lutte contre la corruption.
D'autre part, il s'agit d'un signal fort en direction des autres magistrats pôle financier désormais réduit à sa portion congrue de ne pas s'aventurer sur certaines terres hasardeuses..
Enfin, cette sanction possible valide le scandale résultant de ce que, grâce au secret défense invoqué de manière inadmissible dans cette affaire, par les gouvernements de droite comme de gauche, secret défense qui est à l'origine des déboires du juge Van Ruymbeke, le secret des rétro- commissions dont ont été bénéficiaires un certain nombre de responsables français sera gardé. Le contribuable sera une fois que plus appelé à payer les sommes auxquelles l’Etat risque, du fait de sa garantie de devoir payer, à la place de ceux qui auront bénéficié des commissions indues et seront donc doublement gagnants.
- Un tel scandale ne serait évidemment pas possible s’il existait en France un pouvoir judiciaire et un état de droit. Or nous nous en éloignons au lieu de nous en rapprocher. L’achèvement de la reprise en main de la magistrature par l'exécutif, symbolisé par les mutations et nominations récentes ainsi que l'absence de propositions en ce sens de la commission Balladur, rendent plus que jamais illusoire toute rupture dans ce domaine. Or, il ne s'agit pas seulement d'une entorse majeure à la démocratie et à l'éthique qui devraient guider nos réformes. Il s'agit également de faire perdurer une des causes de la faiblesse de la France au niveau international. En effet, nombre de marchés sont aujourd'hui perdus parce que précisément les garanties éthiques et judiciaires ne sont pas comparables en France et dans d'autres pays de l’Union Européenne. Faute de l'avoir compris, nous nous exposons à des déconvenues croissantes sur le plan économique et à la montée en puissance d'un sentiment d'injustice qui est au cœur de la problématique française.
Depuis lors, la situation s’est encore dégradée et l’annonce programmée de la mort du juge d’instruction achèvera toute espérance. Le s tatut pénal du chef de l’Etat le met hors tout risque pénal et le Tribunal de grande instance de Nanterre vient de rendre un jugement suspendant une procédure pénale car elle ne pouvait laisser au prévenu la possibilité de se retourner contre la partie civile qui était le chef de l’Etat. Il n’est plus nulle part question de la procédure suivie à l’encontre de Jacques Chirac et le scandale Tapie est passé…
Jeudi 29 Octobre 2009
Corinne Lepage
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire